Une des meilleures façons de s’entraîner à la précision dans le tir à l’arc est de pratiquer la billebaude.
La Billebaude est un ancien terme désignant la chasse à pied, pratiquée par les paysans, les gens des bois qui se promenaient et levaient du gibier un peu au hasard. Cette chasse de « Pauvres » permettaient d’agrémenter le quotidien par un peu de viande. Pour les archer(ères), il s’agit de se promener dans la nature avec son arc un peu au hasard des chemins, de choisir de décocher une flèche sur une belle cible qui se présente à soi. Cela peut-être une belle touffe verte au milieu d’une prairie, une tache de soleil dans un sous-bois, une souche pourrie, des branches mortes au sol disposées de manière à former une forme géométrique, ou pour les plus audacieux, le pied d’un sapin situé de l’autre côté d’un vallon à longue distance. Le nombre de buts à atteindre dépend de notre imagination à les trouver !
Cette pratique est très bénéfique aux archer(ère) pour de multiples raisons
C’est une manière naturelle d’évoluer avec son arc, un peu comme le faisaient nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Personnellement j’éprouve une grande liberté, je me fonds dans cette grande forêt, silencieux, attentif, scrutant le moindre mouvement et tendant l’oreille au moindre son inconnu. Tous les sens sont présents ouverts et réceptifs. Je déambule sur mon territoire de chasse en quête de beauté et de jolis buts de tir. Comme j’ai aussi la chance de ne pas dépendre de mon butin de chasse, je peux me concentrer sur le plaisir du tir instinctif souple et de l’observation de la belle Nature. Le tir est comme une manière de ne faire qu’un avec cette forêt, avec mon compagnon qu’est mon arc, fait de ses bois, je tire une flèche, tel un « trait de lumière » et je l’accompagne du regard jusqu’à son but. Je me sens bien en pleine possession de mon corps et ancré. le bénéfice de revenir à des choses simples me remplit d’une énergie puissante. la joie du son de la décoche et de l’impact de ma flèche me renvoie à un bonheur simple et actif.
La billebaude alliée au tir instinctif souple procure une sensation de plénitude. En effet, l’archer, libre dans son chemin et son choix va réveiller tout son potentiel et décocher de superbes traits. je ne suis pas dans l’attente d’un résultat ou d’une performance, je vais choisir mes propres cibles selon la difficulté que je m’impose. Souvent je me rends compte que la gestuelle et les tirs sont excellents, bien meilleur que si je me mets la pression.
Une autre raison est que le lieu sur lequel j’évolue est comme un énorme terrain de jeu. En choisissant des buts différents situés à toutes les distances, à des degrés de difficultés diverses, j’exerce mon acuité visuel, ma faculté de concentration et développe de mieux en mieux ma gestuelle instinctive. Chaque tir est différent et nécessite une rapide adaptation morphologique. Sur un terrain pentu avec un tir en descente, je me penche en avant dans le sens de la pente. Inversement sur un tir « en montée » , à chaque flèche une réflexion attentive sur la distance au but, sur la nature du terrain, et sur les effets de lumière m’engage sur un nouveau défi de tir.
La billebaude est un apprentissage complet, alliant la discipline au ludique. je considère aussi le tir instinctif souple comme un jeu. Enfant, n’éprouvions nous pas une joie intense à nous enfoncer dans les bois, équipé d’un arc en noisetier fabriqué à la hâte, pour y vivre les grandes épopées indiennes ! En petit groupe, chacun à son tour lance un défi en choisissant un but à atteindre! Celle ou celui dont la flèche est la plus proche, a comme récompense de désigner le prochain but … La billebaude est complémentaire, voire nécessaire à la pratique du tir sur cibles 3D ou sur papier. En cela, elle nous détache de la volonté de toujours vouloir être au centre elle nous convainc à préférer l’élégance et la beauté du tir. Détendu et détaché du résultat, les flèches atteignent leurs cibles.
Enfin, lorsqu’on tire en nature, il n’ y a plus besoin de cibles sur support, la nature nous en offre une multitude… Sa pratique aisée au bord de n’importe quel bout de forêt ou de pâturage est un appel à la liberté, sans cadre délimité par un blason ou une cible 3D. La législation suisse autorise la pratique du tir à l’arc sur le domaine public pour autant qu’elle ne mette pas en danger les promeneurs ou les animaux et qu’elle respecte la terre et le travail des paysans. Chaque archer(ère) tire sous sa propre responsabilité et veille à ne pas piétiner les jeunes pousses, à être attentif à la faune sauvage. A respecter les pâtures puis tenir informé les autres usagers des bois de la pratique du tir en milieu sauvage.
La billebaude exige de l’archer une parfaite autonomie, une solide expérience du tir, ainsi qu’ une grande responsabilité. A chaque nouveau tir, il est essentiel de tenir compte de la trajectoire de la flèche et d’assurer son coup, de sorte qu’aucune flèche perdue ne puisse mettre en danger quiconque.
Archer(ères) à vos carquois! n’oubliez pas votre arc traditionnel, munissez-vous de fûts bois équipés en pointes de type « Blunt » et de type « Judo », et peut-être de quelques pointes « Field » ou même sifflantes! Partez en vadrouille, un petit pique-nique, de l’eau et un bon couteau d’archer sera aussi nécessaire pour extraire les flèches des souches.